L’espace Niemeyer de Paris est le premier ensemble de bâtiments imaginé par l’architecte Oscar Niemeyer en France, suite à son exil de 1964 provoqué par l’arrivée d’une dictature au Brésil.
Réalisé avant le « Volcan », la maison de la culture du Havre, son architecture, elle aussi toute en courbes, réserve un joyau étincelant à découvrir en son cœur…
Ce projet a été conçu à titre gracieux par Oscar Niemeyer pour le Parti communiste français et mis en œuvre par un collectif d’architectes français incluant entre autres, Jean Prouvé, Jean Deroche et Paul Chemetov. Il s’est déroulé en deux temps, entre la fin des années 60 et le début des années 80.
La première construction terminée en 1971, est une barre d’immeuble ondulée entièrement vitrée sur ses deux façades opposées.
Elle s’est vue reliée par un sous sol, près d’une décennie plus tard, à un grand « dôme blanc » abritant une salle de conférence.
L’ensemble architectural a été classé monument historique en 2007.
Ovni à la coque architecturale
Devant une façade en forme de drapeau aux courbes inversées, Oscar Niemeyer, fervent concepteur de formes organiques, à fait émerger d’une esplanade en pente un gros ventre bombé pointant vers le ciel, plein de promesses, comme celui d’une femme enceinte.
Accéder dans le ventre de la belle (architecture) se mérite car l’Espace Niemeyer n’est pas ouvert aux visiteurs toute l’année.
Il faut profiter d’une exposition artistique ou des journées du patrimoine pour pouvoir découvrir ce lieu unique au monde.
L’entrée principale avec son auvent original en forme d’aile surplombe l’escalier au centre de la construction surélevée.
Elle préfigure un peu de l’OVNI architectural que l’on va découvrir à l’intérieur.
La promenade architecturale dans l’espace Niemeyer
Le Hall d’entrée et d’exposition
Vaste espace enterré de 1 000 m2, en partie en pente, le hall d’entrée constitue une première surprise sensorielle.
Les murs et piliers en béton brut de décoffrage et quelques rais de lumière naturelle provenant du plafond au travers d’oculi, participent la curieuse sensation d’entrer dans une grotte.
Une moquette verte omniprésente recouvre les sols, une référence avouée de Niemeyer au drapeau brésilien. Elle participe à l’effet « cocon » du lieu : on se sent immédiatement bien dans cette entrée en « matières ».
L’affaiblissement acoustique ressenti dans cet espace enterré me rappelle l’intérieur du musée Lugdunum de Bernard Zehrfuss, construit au cœur de la colline de Fourvière à Lyon.
Espace d’exposition favorisant la contemplation, le lieu dans son entier incite à une forme de zénitude, inspirant le photographe, votre serviteur, a profiter d’œuvres exposées et de miroirs teintés recouvrant un pan de mur pour prendre part à une grande réflexion.
Dôme de plaisir
Si la découverte de la calotte blanche immaculée intriguait de l’extérieur, que dire de l’attirance irrésistible qu’elle exerce sur tous les visiteurs-euses qui s’en approchent à l’intérieur ?
Ce qui m’attire, c’est la courbe libre et sensuelle, la courbe que je rencontre dans les montagnes de mon pays, dans le cours sinueux de ses fleuves, dans le nuage du ciel, dans le corps des femmes. Tout l’univers est fait de courbes. »
Oscar Niemeyer
La salle coupole de Niemeyer
Véritable chef-d’œuvre rétro-futuriste, cette salle de conférence constitue le point d’attraction du bâtiment.
Ce lieu attire depuis les années 80, de nombreux artistes internationaux, photographes, musiciens, créateurs de mode et réalisateurs de cinéma.
Notre imaginaire influencé par la science-fiction mise en image dans des livres ou des films se confronte à la réalité dès que l’on accède par l’une des deux entrées.
Celles-ci intègrent des portes coulissantes, à commande pneumatique, dignes des plus belles maquettes de vaisseaux spatiaux.
Une salle circulaire, en chiffres ronds
D’un diamètre de 22 mètres et d’une hauteur approchant les 11 mètres, « l’Amphithéâtre Coupole » tel qu’il est surnommé aujourd’hui, peut accueillir 250 personnes assises et jusqu’à 300 personnes quand il est vidé de son mobilier.
Son dôme est en béton banché de 25 cm d’épaisseur à sa base et de 15 cm à son sommet et recouvert à l’extérieur d’une épaisse couche de résine blanche.
L’idée lumineuse
La voûte, recouverte d’un assemblages de petites feuilles de métal suspendues jusqu’au sol, transforme tout l’espace en un immense lustre vortex dans lequel on s’attend à être transporté dans le temps.
Ces milliers de lamelles d’aluminium ionisé disposées perpendiculairement les unes aux autres font aussi office de piège à sons, permettant de soigner l’acoustique.
Un changement de point de vue désacralise cette lumière « divine » et on découvre que le plafond lumineux tire sa source dans un assemblage de plus d’une centaine de néons qui épousent la forme de la coupole.
Nombril du monde communiste français
Longtemps réservée aux réunions du Parti communiste français, une partie de l’espace Niemeyer a pris un tournant commercial au XXIème siècle.
En 2007, le PCF est confronté à une crise financière suite à un très mauvais score réalisé à la présidentielle. Le parti se voit contraint de « rentabiliser » son siège et d’autoriser la commercialisation du premier étage ainsi que du sous sol accueillant le hall principal et plusieurs salles de réunion.
La salle du « dôme » peut, dès lors, être accessible du monde entier et louée pour des conférences et toutes sortes d’activités artistiques.
Une construction drapée dans quelques principes architecturaux
La barre de bureaux de Niemeyer ne trône pas innocemment au sommet du grand terrain en pente qui domine la place du Colonel Fabien.
Construite au plus près des immeubles placés derrière elle, sa deuxième façade vitrée opposée a quelque peu été « sacrifiée » pour que l’ensemble architectural soit mis en valeur sur son côté ouest.
Sa conception respecte les 5 points de l’architecture nouvelle chers à Le Corbusier, tout en affichant la liberté de style propre à Niemeyer.
Sans murs porteurs, ses deux principales façades « libres » sont composées de murs rideaux vitrés conçus par Jean Prouvé, qui réalisa à la même époque les façades bombées du CNIT de Paris La Défense.
Les six étages de bureaux respectent un plan libre et son réaménageables à volonté.
Détail d’un autre temps, le 5e étage prévu pour l’occupation des dirigeants du Parti bénéficie de vitrages pare-balles.
Si l’immeuble n’est pas construit, à proprement parler, sur pilotis, il ne repose que sur 5 doubles piliers centraux en béton avec des fondations à 35 mètres de profondeur.
Au sommet, le toit terrasse est recouvert d’édicules en forme d’escaliers ondulés qui cachent les équipements techniques.
Des courbes en tous sens
L’Espace Niemeyer ouvert au public à l’occasion des journées du patrimoine m’a donné la possibilité de marier street photo et architecture.
Pour déambuler au milieu de formes aussi sensuelles, les hommes peuvent porter des jupes.
Vue du toit, la réflexion de la coupole et de son environnement dans la façade vitrée rend l’architecture d’Oscar Niemeyer encore plus féminine.
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Recueils d’architectures intérieures
Fil rouge de ce blog, la promenade architecturale est un moment privilégié où l’on parcours un itinéraire implicite, parfois imaginé par l’architecte.
Que l’on découvre la conceptualisation des espaces de Le Corbusier comme dans la Villa Savoye ou la villa La Roche, que l’on ressente la fusion du Mucem de Rudy Ricciotti à travers sa façade de résille avec son environnement marin à Marseille, que l’on traverse le squelette avien soumis aux quatre vents de la gare Lyon Saint-Exupéry de Calatrava, ce sont souvent des expériences inoubliables.
Visiter la salle futuriste d’Oscar Niemeyer dans l’ancien siège du PCF à Paris, parcourir ses couloirs et escaliers et enfin monter jusqu’au toit font partie de ces expériences d’architecture à vivre.
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